Salut tout le monde !
Je posterais ici de manière similaire à mon Dreamwidth, qui resteras en anglais principalement. Mais ça me donnera un endroit stable pour poster les traductions des écrits que j'y fait ! Je pose aussi le lien de mon site, Roadrunner Rambles, lui aussi actuellement en anglais, mais que je compte étendre à une version française du truc dans le futur (déjà faut que je finisse la page en anglais).
Pour qui je suis :
Je suis Hemlock, actuellement 22 ans, et dans la communauté therianthrope depuis 2018, bien que j'ai trainé dedans depuis 2016 pendant mes années de recherches. Je suis un géocoucou, Geococcyx, et très probablement Geococcyx californianus, le grand géocoucou de californie.

(ça ressemble à ça)
Je vous garde la description précise de mes shifts à un autre post, vu que c'est le prochain truc que je dois ajouter à mon site perso de toute façon.
Je me considère aussi draconique, d'une manière que les gens appellent maintenant "cambitherian", entre other-hearted et otherkin, mais très franchement je n'utilise pas ce mot. Tout ce que vous devez en savoir : ça change énormement, j'ai souvent ce que j'appelle des "facettes" qui se déclanchent, en gros des mini-phases ou je me sents plus cockatrice, plus wyverne, plus créature draconique quelconque d'un jeu... Parfois j'ai des shifts, souvent ça "s'ajoute" à mon être-oiseau (et donc ce sont souvent des créatures un peu aviaires), et je pense que ça vient d'avoir aimé fortement les dragons étant enfant. Quand tu es un gamin qui sents des ailes fantômes et qui bouffe du folklore français de dragons régionaux tout les jours, c'est facile de connecter les deux, donc j'ai passé la plupart de mon enfance à me voir comme un dragon, jusqu'à ce que je remarque qu'un oiseau faisait plus sens, mais du coup mon cerveau à une facilitée à me donner des tendances draconiques.
Je suis aussi other-hearted de beaucoup de choses, ayant en général une passion pour la biologie. J'apprécie donc par exemple énormément les arthropodes, surtout insectes et arachnides (j'étudie même l'entomologie), mais aussi certains oiseaux (par exemple les galliformes), certains biomes (tout ce qui est chapparal, de manière logique), etc etc. Donc je pourrais de temps en temps poster sur ça aussi.
Pour ce qui est pas alterhumain de ma personalité, mais peut quand même s'y lier pour des écrits :
Je suis Butch, une identité plus commune en amérique, qui définie les lesbiennes masculines. Bien que beaucoup de butch se voient femme, beaucoup sont aussi transmasculin, nonbinaires, ou "juste butch", c'est à dire butch en temps que genre. C'est quelque chose qui se mèle beaucoup à mon identité d'oiseau mâle dans un corps humain femelle (J'utilise il/lui comme pronoms).
Je suis sur le spectre schizo. Je vais probablement préferer ne pas aller dans les détails de diagnostiques, vu que c'est flou même pour les professionels qui me suivent, mais j'ai du coup parfois des choses à dire sur les intersection des troubles psychotiques et de l'alterhumanité. Cependant je ne suis pas zoanthrope clinique, et mon identité aviaire semble séparée de tout ça. Cela impacte plus des choses similaires à une pluralité comme dans certains troubles dissociatifs.
Je dessine, et j'aime lire ou regarder de la xenofiction. Il se peut que je parle des deux de temps en autre vu que cela croise souvent mes interets thérianthropes, en particulier la xenofiction (toute fiction ou le personnage principal n'est pas humain, comme par exemple les fourmis de Werber, ou chiens de guerre de Tchaikovsky).
Bonne lecture !
Paradoxe de perspectives
Un texte portant d'un côté sur "l'otherlinking", aka le fait de volontairement provoquer une identité alterhumaine, ici de manière éphémère, sous formes de caméo-shifts, et d'un autre sur mes expériences et mes shifts lorsque j'incarne un arthropode
Je ne parle pas beaucoup de mes expériences en tant qu'arthropode. Je suis coeur d'arthropode / arthropod-hearted, c'est très vite évident, de ce que j'étudie à la façon dont j'occupe mon temps et à ce que j'aime lire.
Je ne me considère pas comme une araignée. J'aurais pu. Beaucoup de mes expériences correspondent à celles du thérian moyen ; je ressens des shifts, j'ai senti des membres fantômes, une ou deux fois, de la même manière que mes membres fantômes aviaires se présentent quand je ne les force pas, j'ai ressenti une « justesse » similaire face à certaines sortes d'araignées (et quelques autres arthropodes), pareille à ce que les roadrunners, et les choses qui ressemblent à des roadrunners, suscitent en moi. Cependant, je ne suis pas une araignée. Je suis à quelques mètres sur la gauche d'une araignée, et si je louche et incline la tête, j'aurais peut-être pu me voir en être une, ou j'en ai peut-être été une et c'est un peu un vestige de ce temps passé, si les âmes existent, mais je n'en suis pas une, pas de la même manière que je suis un oiseau. Et alors que je choisirais d'avoir des plumes si je le pouvais, je me contente maintenant d'observer les araignées comme une entité distincte de moi-même, et non comme un reflet de ce que je devrais être.
Cependant, je sais quand même ce que l'on ressent lorsqu'on est une araignée. En fait, c'est à partir de cette expérience que j'ai commencé à m'amuser à voir si je pouvais aussi provoquer des shifts d'autres arthropodes que je voyais lors de mes études, un tremplin vers la métamorphose en tant que passe-temps amateur. Je ne sais pas trop dans quelle boîte mettre cette araignée. Ce n'est pas un kintype. Pas un linktype, car c'est la seule de mes expériences avec les arthropodes qui n'était pas volontaire. Un peu plus que ce que l'on attend généralement d'un heart-type. Si j'étais plus fantaisiste, je pourrais l'appeler un "antea-type", une vie antérieure qui laisse encore une trace, mais je ne suis pas très spirituel, alors cela me semble faux aussi. Je suppose que cela restera « l'araignée ».
Il y a peu d'arthropodes dans la communauté. Pas aucun, j'ai parlé à quelques-uns, notamment une blatte, quelques papillons de nuit, quelques guêpes, au moins un mille-pattes, et une variété de monstres insectoïdes chimériques. Quelques araignées aussi, je crois, mais jamais assez pour comparer mes expériences. J'ai trouvé peu satisfaisant d'essayer de lire les expériences d'arthropodes, car beaucoup d'entre elles ont tendance à rester dans la partie superficielle de l'expérience : un rudimentaire « j'ai regardé cette image, et ça m'a semblé juste », ou « j'ai senti des ailes, et c'était similaire à un papillon de nuit ». Non pas que ce soit une mauvaise façon de vivre l'expérience, mais ma curiosité n'en est pas pour autant rassasiée. Voici donc toutes mes notes sur le fait d'être une variété d'arthropodes, de mon araignée à celles en lesquelles je me transforme à ma guise, pour les autres qui, comme moi, aiment les descriptions inutilement longues d'Etre.
Tout d'abord, le titre. Pourquoi un paradoxe de perspective ? Pour moi, le fil connecteur entre tous les arthropodes terrestres (et affiliés) que j'ai été est ce sentiment d'être extraterrestre. Pourtant, le monde ne l'est pas du tout ! Il s'agit de toutes les choses avec lesquelles je peux encore interagir, que je peux encore trouver si j'essaie. Les noemata de l'araignée impliquent un monde complexe, labyrinthique, fait d'ombres et de mouvements qui se chevauchent. Les noémata d'un endoparasite comportent de la chaleur et un rythme pulsatoire. Le mille-pattes était surtout du toucher, de la vitesse, Attraper, dans des endroits cachés humides et luxuriants. Lorsque j'essaie de les représenter à l'échelle humaine, j'aboutis facilement à des mondes fantastiques. Le Val Putride de Monster Hunter, pour les vers filaires qui migrent dans le corps. C'est plus putrescent, mais j'y ressens ce rythme chaud et palpitant, même s'il existe peut-être de meilleures analogies. Pandora et sa toile végétale sont une version à taille humaine de n'importe quelle petite forêt, quand on est un scarabée prédateur d'un demi-centimètre de long. Être quelque chose d'aussi petit me semble effectivement étranger, maintenant que je fais partie de la mégafaune. Chaque visions que j'obtiens, lorsqu'il est appliqué à la taille humaine, devient gargantuesque et inimaginable à voir sur terre.
C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles ils sont si rares. Comment se rendre compte que l'on était quelque chose de si petit, alors que l'on a l'impression d'être si grandiose. Il est difficile de s'agenouiller, face contre terre, incliner le regard et de réaliser que son Yggdrasil n'était même pas le plus grand de son espèce. C'est la raison pour laquelle j'aime devenir insecte. Cela vous permet d'apprécier les petites choses.
Quand il s'agit d'être une araignée, je ne peux qu'approximer. Je n'ai pas choisi, je dois donc reconstituer ce qui m'a été donné. Cette expérience était également partagée avec une personne disparue depuis longtemps qui habitait mon esprit, je ne peux donc garder que ce qui n'appartient qu'à moi. Certains éléments étaient plutôt vagues. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi je savais que je devrais avoir du venin. Je savais simplement que c'était la façon dont une chose comme moi pouvais tuer. Peut-être n'aurais-je même pas su, en tant que tel, que c'était vraiment cela. C'est simplement une partie de la vie. Le soleil se lève dans le ciel. L'eau est mouillée. Mes chélicères percent et liquéfient. Ce n'était même pas la partie la plus importante de la chasse pour ce que j'étais, juste l'acte final. Ma chasse ne consistait pas à fabriquer quelque chose de délicat et de vicieux qui prendrait au piège, ni à faire une chasse effrénée après la proie. J'étais mécanique. Un piège à ours biologique. Devenir Plus Araignée signifiait faire preuve d'une patience inhumaine (bien qu'il faille s'attendre à ce qu'elle soit inhumaine), cela signifiait être réactif plutôt que proactif. Je n'avais que des fragments, mais c'était presque méditatif d'être une araignée, et j'aime bien ça. En symbiose avec cet autre esprit, je pouvais sentir ses phyllotrachées fantômes (comme des branchies sur mes côtes), et le dessin fantôme de ses yeux sur mon visage (pas tant de vision que ça. des ombres surtout, claires et sombres. des mouvements.). Des membres longs et agiles de chaque côté, écartés comme une mâchoire (forte, sensible, comme la gâchette d'un fusil). Capable de se plier à plat, de devenir le mur sur lequel il se tient (pneumatiques internes, fluides entrant et sortant). Quoi que ce soit, ça aimait l'ombre, la fraîcheur et l'humidité. ça n'aimait pas le mouvement au-dessus de soit, mais ça ne le fuyait pas vraiment, ça se cachait simplement mieux et attendait. ça pouvait être rapide, quand il le fallait, mais la plupart du temps, c'était simplement silencieux.
C'est un peu difficile de faire un tout à partir de morceaux, surtout si je ne suis pas toujours l'araignée. En tant qu'oiseau, je peux simplement réfléchir sur moi-même à tout moment, et c'est tout simplement ce que je suis, tout le temps. Avec l'araignée, je devais en quelque sorte vivisecter des morceaux au moment et à l'endroit où ils se présentaient, et c'était un à peu près tout, à moins que je n'en provoque d'autres, ce que j'ai fini par faire.
J'ai joué à me déguiser en une variété de créatures qui me semblaient assez similaires, pour voir ce qui me convenait. J'ai essayé des amblypyges, mais si les pédipalpes ravisseur étaient corrects, et le touché plus que tout autre sens aussi, les longs et fins fouets n'étaient pas tout à fait quelque chose que j'avais ressenti auparavant, et il manquait ce Venin inhérent que mon cerveau m'informait que je devais avoir. Les araignées Huntsman et les araignées-loups étaient amusantes. Tellement amusantes que j'ai longtemps espéré que ce serait ça. C'était quelque chose de très interactif, peut-être pas autant qu'une araignée sauteuse, ça je n'ai jamais essayé, mais c'était beaucoup plus excitant que l'araignée mystérieuse. Mais ce sentiment d'être quelque chose de rapide n'était pas correct, et le sentiment de pattes ravisseuses, bien que présentes avec les Heteropoda, ne correspondait pas du tout aux araignées-loups.
J'ai en fait compris le coupable le plus probable assez récemment, en observant les bois près de chez moi. Il y a en fait toutes sortes de petits pièges à ours biologiques mortels qui jonchent les fleurs, comme des anges de la mort décademment habillés pour les abeilles et les mouches : Les araignées crabes des fleurs. Je les adore, maintenant que je sais où les chercher. J'ai toujours vécu près de ces bois, mais je ne les avais jamais vues. Thomisus onustus, Synema globosum, Runcinia grammica, Heriaeus hirtus et probablement d'autres que je n'ai pas encore rencontrées. Je ne pense pas que mon araignée mystérieuse soit l'une d'entre elles, mais presque. Si je devais deviner, il s'agirait d'une sorte de Xysticus, ou quelque chose d'analogue. Une araignée crabe de terre. Je peux me tromper, ce n'est pas une science exacte, il est difficile d'interpréter ce qui pourrait très bien être une invention de mon esprit. Mais je suis assez satisfait de cette réponse, pour l'instant.
Voilà donc l'arthropode numéro 1, celui que j'ai été le plus souvent et celui qui m'a appris à me métamorphoser.
Il me faut un certain temps pour parvenir à faire une tentative décente lorsque je tente d'être quelque chose que je n'ai jamais été. Il est facile d'avoir des parties. Je peux sentir les ocelles d'une guêpe, la mandibule préhensile d'une larve de libellule ou une paire d'ailes de perce-oreille sans problème, tant que j'ai des références. C'est juste une question de visualisation, en fait. Je dessine comme hobby. Pour moi, provoquer un shift en moi, c'est comme dessiner, mais avec des sensations. Prenez la pattez ravisseuse d'une mante. Consultez un dessin d'anatomie. Mon bras devient une coxa. Le coude, le trochanter, puis l'avant-bras, le fémur. Ma main fusionne et devient le tibia. Je n'arrive pas à le plier correctement, mais je sens le poids des épines le long des crêtes, je sens les endroits où ça doit se plier et se verrouiller comme une machine bien huilée. Ensuite, le tarse, qui semble actuellement devoir jaillir de mon majeur, étrangement approprié pour taper sur des touches. Trop court, dans un corps humain, mais tout aussi flexible, bien que dépourvu des deux crochets à l'extrémité. C'est vague, et au moment où j'écris ces lignes, je peux simplement me secouer le bras et revenir à un état plus neutre de ma confusion habituelle entre l'homme et l'oiseau, un mélange plus confortable lorsqu'il s'agit d'utiliser un clavier.
La tâche devient délicate lorsqu'il s'agit d'additionner tous les éléments. Je peux avoir un bras de mante, mais je dois ensuite le maintenir et ajouter sa tête, avec son ensemble complexe de mandibules, d'antennes, d'yeux faits d'yeux. Un membre doit devenir six, et mon corps commence à dérailler. Un oiseau, un tétrapode, est déjà quelque peu complexe, mes bras humains sont à la fois des analogues d'ailes et de pattes d'oiseau. Quel est l'analogue de la troisième paire de membres d'un insecte, où vont-ils ? J'ai tendance à préférer m'allonger lorsque je cherche comment placer et dessiner ces fantômes de manière optimale, les yeux fermés, afin que mes sensations humains ne les chevauchent pas trop. C'est encore mieux dans l'obscurité. Une fois que c'est fixé, je peux généralement le déclencher à nouveau plus tard, et il se mettra en place naturellement.
C'était plus facile avec quelque chose d'aussi simple qu'un ver filaire, même si cela dépendait fortement de ne faire... pas grand-chose. Je n'avais pas vraiment besoin de me concentrer sur les fantômes (un ver, sans yeux, sans membres, c'est plutôt simpliste), mais seulement sur l'esprit. L'esprit n'est pas quelque chose dont on peut facilement trouver des références, et pour être honnête, je dirais que ce que je ressens est très probablement un simulacre de la vérité, après tout je n'arrête pas d'avoir des neurones humains pendant l'expérience. Mais ce n'est pas vraiment la question, l'important c'est que ce soit amusant. C'est la solitude qui m'a poussé à me métamorphoser en filaires. Je me suis demandé ce que l'on pouvait ressentir en étant une chose qui n'est jamais seule, parce qu'elle vit à l'intérieur de quelque chose d'autre, constamment entourée de ses pairs et de ce qui la nourrit. Il s'agissait surtout de sensations, de ce que je ressentais, et il était étrangement facile d'y glisser, peut-être parce que j'ai l'expérience d'écrires de parasites pour certaines créatures fictionelles.
À l'époque où je n'étais pas sous traitement, je voyais le monde respirer, parfois, palpiter et se mouvoir, les murs se tendre et se relâcher comme un poumon, le sol bouger sous mes pieds. Le nématode a ressenti quelque chose de similaire, dans mon esprit. Chaleur tout autour, chaque battement de cœur est une pulsation, le monde autour de vous se contracte, s'écoule, se tord, chante. Beaucoup, beaucoup d'autres autour de vous. Aller de l'avant, sans raison. Pas vraiment besoin de raison, vivre simplement en suivant la chanson. C'est honnêtement l'un des shifts les plus agréables qu'il m'ait été donné de vivre. Pas de peur. Rien à fuir. La mort est simplement une possibilité du monde qui vous nourrit également. Vous ne pouvez pas y échapper, car il n'y a pas d'autre monde vers lequel fuir, et vous êtes simplement ici, et vous devez aller de l'avant, et c'est tout. Donc pas de peurs. ça ne changerais rien. Un nihilisme parfait. Les seuls aperçus que j'ai sont ceux de la scène à l'intérieur du corps, peut-être qu'une autre partie du cycle serait différent, mais je suis satisfait de ce que j'ai vu.
Je dirais que l'esprit sera plus facile à atteindre pour les écrivains que pour les artistes visuels. Vous pouvez faire des recherches. Je ne considère pas que je canalise une âme, je ne trouve donc pas qu'il soit moins intéressant de construire cet esprit par la lecture d'articles scientifiques qui, eux aussi, tentent d'imaginer ce que c'est que d'être quelque chose d'autre. Pour en revenir à la mante, je suppose que j'ai choisi un animal facile à être pour moi. Il s'agit encore une fois d'une chose qui reste dans un état d'attente. Cependant, elle est beaucoup plus active, beaucoup plus visuelle que mon araignée. Qu'est-ce que je ressentirais ? Quelles couleurs verrais-je ? Où sont les capteurs me permettant de comprendre le monde dans ce corps ? Que craindrais-je ? Que rechercherais-je, au contraire ?
C'est à ce moment-là qu'il m'est utile d'avoir le corps fantôme. Je le déclenche, parfois je fais de petits rituels pour le lier à certains accessoires ou bibelots, car je trouve que cela m'aide à me concentrer. En me transformant, en sentant les membres étranges et les sensations inconnues, je trouve qu'il est plus facile de se glisser dans un esprit étranger. Tout devient neuf. Les bois près de ma maison sont découverts pour la millième fois avec des yeux nouveaux. L'araignée a cherché l'humidité, l'ombre et le silence. Le mille-pattes a cherché la chaleur, son long corps enroulé s'étendant sur des mètres, puis une chasse, mais tout était trop petit pour être proie, alors il a attendu, touché-goûté son environnement, avec curiosité. Peut-être que la mante chercherait une zone surélevée, avec un feuillage luxuriant pour se cacher, et qu'elle observerait. Je devrais essayer un jour.
Peut-être que mes expériences avec les arthropodes aideront de nouvelles personnes à tenter des formes plus impermanentes de de nonhumanité, très franchement je ne pense pas que ce soit le temps passé qui fasse le sérieux d'une identité, mais il est difficile même pour moi de séparer les deux parfois, tant ils étaient liés dans l'ancienne culture des forums (sans même toucher à l'idée que, horreur, l'identitéet les expériences volontaires sont dignes d'intérêt). Honnêtement, je recommande d'essayer parce que c'est amusant. Alors un petit défi aux lecteurs : j'aimerais que vous choisissiez quelque chose, que vous le deveniez, et que vous reveniez me le raconter. Des points bonus s'il s'agit d'une sorte d'arthropode. Bonne chance !
J'adore il est trop mignon je l'ai vu sur un documentaire animalier ☺️
Drôle d'oiseau : le genre quand on est même pas humain
Un écrit de.... 2022 je crois? sur la question du genre quand la thérianthropie s'en mêle.
Pour ceux qui auraient loupé le coche, je suis un géocoucou, Geococcyx californianus, le coq chapparal.
... bip-bip de bip-bip et coyote, en noms moins élogieux.
C'est un oiseau sans différence de genre apparente pour l'oeil humain, seulement visible au niveau du comportement. Le mâle géocoucou fait la cours, cherche les branches pour le nid pendant que madame construit, et couve les œufs la nuit plutôt que le jour. J'ai ses habitudes et instincts qui me dénotent clairement comme un géocoucou mâle, de mes cadeaux pour mes amis tolérant de mes imbécillités (j'ai appris que le lézard n'est malheureusement pas un met apprécié par la plupart de la gente humaine, et que le bâton commun ne semble plus si utile comme matériel de construction dans un monde de béton, mais ça ne m'empêche pas d'improviser autre chose), à mes appels, ou bien à la manière dont couver un œuf ne me déplait pas, mais en pondre un me perplexifie.
CEPENDANT.
Je ne suis pas un géocoucou. 'fin presque, si on se fie pas au apparences. J'ai été malencontreusement placé dans un corps humain. Un corps humain femelle, même. Alors qu'est ce que ça fait, d'être un oiseau mâle, dans un mammifère femelle?
Et bien dans ce cas précis, ça as fait une Butch. Mais quézaco? J'entends le francophone moyen crier. Butch, c'est une identité liée à la communauté lgbt. Le mot le plus proche existant en français serait "garçon manqué", mais je dénigre un peu ce mot par souci de sémantique. Je ne suis pas un garçon raté, mais un butch bien dans sa peau, merci bien. Un (ou une, vous me verrez changer ça assez souvent, ça importe peu) Butch est le plus souvent une lesbienne, ou une femme bisexuelle sortant avec des femmes (et parfois un homme gay un peu perdu, qui a raté le coche sur le fait que plus personne n'utilise ce mot pour désigner un homme masculin et viril. Mais on les aime beaucoup quand même et je les accepte à cœur joie). Un butch, souvent, c'est une femme qui s'habillait en homme, souvent dans un couple avec une femme (à prononcer à l'anglaise), une femme femme étant une femme féminine. OK, on suit? On suit.
La culture butch à donc toute cette histoire liée au fait de se travestir, revêtir l'habit et le rôle de l'homme, sans pour autant être un homme piégé dans une femme, aka un homme trans, qui voudra probablement transitionner pour être reconnaissable comme tel. Ca se complique quand certaine butch transitionnent aussi, pour différentes raisons. Souvent, originellement, pour fuir l'homophobie, car être reconnaissable en temps qu'homme plutôt qu'en temps que femme habillée comme un homme permettait l'accès à un travail, à moins de violences policière, etc. Mais certaines butch apprécient simplement le fait d'avoir un corps "entre deux", des traits plus masculins liés à la testostérone ou la mastectomie.
J'ai connu cette communauté grâce au magnifique livre par Leslie Feinberg, "Stone Butch Blues". Cela m'as immédiatement attiré l'oeil : depuis mon adolescence, j'avais ce sentiment de ne pas être à l'aise dans ma situation de "femme". Enfant j'avais accepté le concept par désintérêt, on m'appelait une fille, du coup je devais surement en être une, bien que je n'aimais pas particulièrement tout le tralala associé à la chose. On m'as beaucoup assuré que de ne pas aimer le rose ou les poupée n'était pas rédhibitoire, alors ça m'allait. Mais à la puberté, horreur! Quelles sont ces formes, ces poils, au mon dieu! J'avais pourtant bien spécifié que je voulais devenir un dragon quand je serais grand!
L'être-oiseau avait également montré son nez à cet âge le plus distinctement. Avant, il était normal que j'agisse comme un animal, j'étais un enfant. Maintenant, j'étais un adolescent, et pourtant toujours je sifflais, je battais des bras en espérant m'enfuir dans les airs, je mordais, je faisais de petit bruits étranges à qui mieux mieux. J'avais déjà cette impression de ne pas être dans la bonne peau pendant l'enfance, me dessinant le plus souvent sous les traits d'une vouivre, mais maintenant je réalisais que mes camarades, eux, se complaisaient très bien dans l'humanité. Pire, ils trouvaient ça assez étrange que ce ne soit pas mon cas.
Par souci de survie, j'avais bien enfermé ça sous cloche le plus long possible, histoire de passer le collège et le lycée sans encombre. Ca ne m'as pas vraiment entièrement évité l'ostracisation, il y a des choses difficiles à cacher, mais je me disais que c'était le plus pratique. Je considérais vaguement l'idée d'être un homme trans à certains points, vu que je n'avais reconnu partie de mon inconfort que dans ceux ci mais ce n'était pas non plus exact, puisque je ne désirais pas vraiment certains traits masculins tels les poils faciaux ou l'anatomie sous la ceinture, et qu'être un homme m'intéressait beaucoup moins que la simple idée d'un torse plat, une voix plus grave et un corps plus musclé. J'étais juste mal à l'aise avec le principe de sein, de hanche.
Eureka! Je suis donc simplement Butch! (Je vous passe rapidement toute la partie "découverte lesbienne" de la chose).
Mais encore une fois, presque. Car effectivement, le meilleur mot que j'ai pour décrire mon calvaire à une personne normale est simplement que je suis une personne né femme qui préfère se présenter de manière masculine, avec des vêtements taillés homme et des pronoms masculins. Mais l'une des raison de la chose, c'est être un oiseau. Ca je l'explique rarement. Car mon inconfort est en fait moins avec les traits féminins, sur une technicalité, que les traits mammaliens. Je ne veux pas de seins. Logique. Mais je ne veux pas de poils, non plus. En général. Que ce soit la toison féminine, ou la barbe masculine. Mais honnêtement, je pourrais aussi me passer des lèvres, de l'étrange anatomie de mes appendages, et autre joyeuseries humaine. Etre butch, c'est juste la manière la plus simple que j'ai de minimiser le mammifère.
Presque tout les traits "genrés" humains, sont des traits extrêmement mammaliens. En particuliers ceux trouvés comme attrayant, pour une raison que j'ignore.
Pour moi, être masculin, c'est un peu différent. Bien sûr, il y a ce que j'ai dit en début de ce débâcle littéraire, mais au final, j'ai aussi commencé à intégrer certaines caractéristiques plus générales de l'oiseau mâle, par une sorte de mimétisme des oiseaux que je voyais. Chez l'oiseau, le mâle est généralement flamboyant et tape à l'oeil. Chez l'humain, la couleur est plutôt relégué à la femme, à travers du maquillage et de la mode. Le maquillage n'est pas à mon goût, soulignant souvent trop les traits mammifères de mon visage, mais je revêtis des couleurs néons et je me colore les cheveux de couleurs vives. Chez l'oiseau, le mâle est généralement bruyant, il frime, il montre son potentiel. J'ai adopté cette attitude.
Je me suis accroché à cet imaginaire du coq ou du paon, de la masculinité colorée, m'as-tu-vu, agressive même parfois. Quand mon corps m'as donné une puberté que je ne reconnaissais pas, et non une puberté aviaire, je me sentais coincé dans un état enfantin, non développé. Comme si j'étais bloqué au stade d'un oiseau juvénile nu et beige. Mes couleurs sont devenues mon plumage, et m'on permis de ressentir ce passage d'étape, et de me définir comme adulte.
Je suis donc butch, mais en fait non. Je suis un coq, enfin presque, un coq chapparal qui se prends pour un coq domestique. Est-ce que je suis une femme? Quand ça m'arrange et que je n'ai pas envie d'expliquer, comme un costume, vu que de toute façon je ne suis même pas humain.
Addendum de 2024 : je me suis depuis pris la lubie d'appeler mon genre être "bright", en anglais, une lubie partagée avec quelques autres therianthropes oiseaux. Un "bright", qui veut dire "de couleur vive", c'est voir son genre comme celui des oiseaux (habituellement mâle, mais pas toujours!) qui sont ceux qui mènent la parade : les colorés, les bruyants, ceux qui amènent le cadeau nuptial. L'autre de la pair est "dun" ou "hen", l'un voulant dire "brun-gris" et l'autre "poule". C'est celui de la paire qui se voit choisir dans ses courtisans, associé à des couleurs plus cryptiques, le fait de couver, etc. Bien évidemment, beaucoup d'oiseaux ont des traits de l'un et de l'autre ! Mais c'est un petit plus amusant pour donner un mot à nos expérience de genre-oiseau.
Ces mots sont empruntés d'une bd en cours, runaways to the stars, ou une des espèces d'alien semble superficiellement proche d'oiseaux, et utilisent ces mots pour définir leurs genres. Si je devais donner un mot français pour la paire bright-dun, j'aurais peut être dit vif et louvet?
Source originale de bright et dun
(et hop. revoilà mon journal, j'ai eu un petit problème avec mon compte)
Attentes aviaires
Un petit texte sur la différence entre l'image de l'oiseau dans l'imaginaire commun, et la réalité thérianthropique d'être un oiseau.
Être un oiseau est probablement l'une des identités les plus romancées. Être un oiseau ne signifie rien, du point de vue du comportement, sur le plan scientifique. Pourtant, être un oiseau représente quelque chose de très spécifique dans l'esprit des gens.
Être un oiseau, c'est la liberté. C'est voler sans effort, appartenir au royaume de l'air et ne plus jamais vouloir toucher le sol. L'oiseau, c'est l'aventure, la migration. Une bonne moitié des films sur les oiseaux racontent comment surmonter les dangers excitants de la traversée de continents entiers en un an, la récompense de découvrir un havre exotique loin du froid. Parfois, être un oiseau, c'est être une créature étrange et attachante, imiter les sons, voler des objets brillants, se blottir contre son prochain et lui lisser les plumes. D'autres fois, être un oiseau, c'est avoir un bec acéré et des griffes encore plus mortelles et être le prédateur du ciel, invaincu dans les hauteurs.
J'ai vu beaucoup de gens questionner être un oiseau avec cette idée d'oiseau en tête. Et il est clair que cela peut être vrai. Un oiseau que je connais est migrateur jusqu'à la moelle, l'attrait de l'Afrique l'incitant à voyager, irrésistiblement. Un autre est profondément lié à la gravité comme force ultime, sa biologie entière étant sensée être construite pour la maîtriser sa chute effrénée.
Mais je ne peux pas sympathiser avec les personnes qui s'interrogent sur les oiseaux du point de vue de l'homonculus de l'oiseau de la culture populaire, de cette chimère de tous les traits d'oiseaux cool. Cela me semble être un personnage de fiction, sans tous les petits détails qui rendent l'oiseau réel. C'est peut-être parce que je ne respecte aucunes de ces caractéristiques fondamentales.
Je ne vole pas bien, je plane quand il le faut, et le plus souvent je cours. Je préfère de loin le sol. Je ne suis pas un migrateur, et pour moi, être un géocoucou, c'est avoir un territoire, et c'est devoir survivre à l'hiver. Je n'ai jamais eu le luxe de fuir le froid, même si je le déteste. Je n'imite pas grand-chose, je suis solitaire, je chasse en courant dans l'herbe. À peine un oiseau, selon les règles de "Être un oiseau".
Les règles disent donc que je ne devrais pas me sentir proche d'autres oiseaux. Peut-être qu'être un géocoucou me rapprocherait des coyotes. Peut-être serait-ce un peu comme les chats. Mais non, je m'identifie bel et bien aux autres oiseaux.
Il s'avère qu'il y a toujours une grande différence, pour moi, entre l'idée que les non-oiseaux se font d'être un oiseau et la réalité. Je ne vole pas, je plane, je lutte pour atteindre les hauteurs. Un aigle de mer, grand et lourd rapace, a répondu en disant qu'il ressentait le vol comme un outil, de perchoir en perchoir, pour scruter les proies, trop coûteux pour être gaspillé dans le jeu.
Je dis que je chasse du sol, que je n'ai aucun rapport avec le plongeon du faucon crécerelle ou le vol du martinet. Une chouette des terriers répond en disant qu'elle aussi préfère chasser les sauterelles de sa hauteur, parfois en se perchant, mais souvent en rôdant dans l'herbe.
Je dis que je suis seul, que je n'ai pas de nuée, et un héron me répond : pourquoi le devrais-tu ? Tu es très bien tout seul.
J'ai rencontré des cormorans incapables de voler, j'ai rencontré des pingouins. Au contraire, j'ai rencontré des faucons, j'ai rencontré des corbeaux. Les formes de aviaires changent, mais en fin de compte, j'ai tendance à trouver un semblable pour chaque instinct, que ce soit traditionnellement "oiseau" ou non. L'oiseau est un vaste domaine. L'oiseau est une simplification, pour que les autres puissent comprendre une vision biaisée mais facile.
Je ne suis pas un oiseau, selon la définition de la culture populaire. Pourtant, je suis bien un oiseau qui noue des liens avec des êtres extrêmement éloignés de moi, sur le plan comportemental. Je partage avec eux des plumes fantômes et un bec, mais je ne pourrais pas être plus éloigné d'un colibri. C'est une étrange énigme. Un oiseau n'est pas un animal, c'est un concept. J'aimerais que les gens en tiennent davantage compte avant de s'y plonger
Frustration printanière (15/07/2023)
Texte portant sur mes instincts de nidifications et de prédation, lorsque des oiseaux font leur nid... dans le mien.
Chaque année, il y a des oisillons dans mon patio.
Cela coïncide avec le moment où mon cerveau aviaire juge bon de trouver un partenaire et de faire son nid. C'est un instinct parfois fort, parfois moins, mais toujours un peu déconcertant. J'ai essayé de le combler avec diverses occupations; certaines tentent d'apaiser l'oiseau, avec de faux œufs, un faux nid, de fausses histoires dessinées et écrites, d'autres essaient l'équivalent humain, un jeu d'habits et de rendez-vous qui ne mènent généralement nulle part.
Et, réglé comme une horloge, des oisillons apparaissent dans mon nid. Techniquement. Mais ce ne sont pas les miens. Ils ne sont même pas de ma propre espèce, mais juste assez proches pour que je ressente une certaine familiarité. Avant, c'était des merles, des oisillons tranquilles. Maintenant, ce sont les rougequeues, dont les parents piallent agressivement chaque fois que j'ose entrer dans leur voisinage.
C'est un sentiment étrange. Ils ne sont pas à moi. Une partie de mon cerveau, oiseau prédateur, opportuniste, les considère comme des proies faciles, en particulier les rouges-queues avec leur nature bruyante et mouvements erratiques par rapport aux jeunes merles, qui restaient pour la plupart immobiles lorsqu'ils m'apercevaient.
Mais il s'agit quand même d'oisillons dans mon "nid", et je ne peux m'empêcher d'être frustré de ne pas pouvoir les aider. Pire, toute interaction, même le fait de les regarder, est synonyme de stress pour les oisillons et leurs parents. C'est comme une moquerie sournoise du fait que je ne peux pas avoir ma propre couvée. Si proche, mais si flagrant dans la fracture qui nous sépare à travers toutes les interactions possibles.
Tout ce que je peux faire, c'est regarder de loin. Je les entends gazouiller et pépier, toujours dans le nid, hors de portée. Je les aperçois sur le sol, paniquant lorsque j'arrive à leur hauteur, et je note mentalement de nourrir le chien à l'intérieur. Je fait le deuil silencieusement des oisillons qui n'ont pas survécu. Je ne suis pas réellement triste. C'est un fait naturel que certains meurent. C'est plutôt une observation, presque une critique des adultes dans mon for intérieur, la jalousie de ne pas être capable de les élever moi-même. Je célèbre aussi ceux qui réussissent, je les regarde grandir et apprendre à se nourrir et à fourrager, je les regarde de la fenêtre suivre les pas de leurs parents. Je m'épanouis en les voyant devenir de vrais oiseaux, je vis par procuration en les voyant acquérir certaines des compétences que j'ai dans le sang mais que je ne peux pas reproduire dans la chair.
Je n'arrive pas à me débarrasser du sentiment que quelque chose ne va pas, cependant. Ils ont toujours une forme trop différente, un comportement trop étranger. Comme un coyote voyant un teckel, il y a une familiarité envahie par la discordance. Trop petit. La forme de la tête n'est pas la bonne, les sons ne sont pas les bons. Il s'y ajoute donc toujours cette déconcertante pulsion de prédation qui ne me permet jamais de trop m'attacher.
C'est doux-amer. Pas à moi, mais à moi. Trop étranger pour le reconnaître vraiment, mais trop familier pour ne pas les remarquer.
Vermines [18/11/24]
Je teste pour voir si je peux effectivement poster des articles à la suite. Celui-ci porte sur être coeur-d'insecte / insect hearted, et tuer des insectes.
Il y a quelque chose de cruel au fait d'aimer les invertébrés. Que ce soit vers, insectes ou arachnides, ils sont tous vus comme des nuisibles.
Pour tout autre animal, il y a une certaine réticence à l'éradication. Certains arrivent à gagner les faveurs des humains, comme les abeilles (mais que les "utiles"), les papillons (mais que les "beaux"), ou, si on rencontre un vrai amoureux des insectes, les scarabées, libellules et peut être même les araignées, scorpions et scolopendre, pour leur facteur de peur. Mais pas tous. Il est normal de détester le moustique, la mouche, la tique. C'est vu comme parfaitement raisonnable de haïr même leur image.
J'ai adoré les insectes depuis le plus jeune âge. Cela me semblait logique. Les gens ne m'aimaient pas vraiment, et ils détestaient aussi les insectes, donc nous avions en commun. Je pense que je n'ai jamais compris pourquoi la manière dont ils bougent semble moins "vivant" à la plupart comparés à un chiot. J'aime toujours les insectes, maintenant. J'adore les Œstres, j'aime les frelons, j'aime les petites fourmis énervantes qui grimpent à travers les trous des fenêtres dans la maison, j'aime les cafards, j'aime la guêpe qui m'a piquée au pouce quand j'avais neuf ans et que j'ai accidentellement attrapé le bâton sur lequel elle se reposait.
Mais c'est impossible de vivre en tant qu'humain sans tuer d'innombrables choses. La personne la plus végan, la plus pacifique, celle qui évite de marcher dans l'herbe pour ne pas tuer un criquet qui ne l'aurait pas esquivé assez vite, cette personne tuerais quand même accidentellement des insectes. J'y ai beaucoup pensé. Je ne suis pas végan. Je l'ai considéré, après tout ça aurait du sens. Il n'y a pas beaucoup de différence pour moi entre la chair dans mon assiette, et celle sous ma peau. Mais d'une manière paradoxale, il me semble presque plus insultant d'être quelque chose qui tue, et de prétendre que je ne tue pas. Je mange aussi des insectes. Je ne saurais pas dire exactement mes sentiments face à tout ça.
Cela fait peut-être de moi un hypocrite, d'être si perturbé par la façon dont les gens traitent les insectes alors que je continue à manger de la viande. Mais je pense qu'en fin de compte, c'est la fracture entre quelqu'un qui voit une vache morte et une mouche morte qui me fait cet effet. La plupart des gens n'auraient pas le courage de tuer une vache. Ils se sentiraient coupables. D'ailleurs, beaucoup de gens cachent déjà le fait que la viande est de la chair et qu'elle fait partie, à proprement parler, d'un cadavre. Les personnes qui refusent de manger un poisson avec la tête. Le porc, pas le cochon. Le bœuf, pas la vache. Je déteste ça aussi. Mais les insectes ? On tue une mouche sans même y penser. C'est embêtant, puis c'est mort. Une mouche morte ne suscite pas de culpabilité.
Les gens s'attendent à ce que je sois pareil. Même s'ils savent que j'aime les insectes, ils trouvent amusant que je les considère comme plus qu'un automate sans cervelle et que, si je le peux, si cela ne me coûte rien, j'évite de les tuer. J'ai tout de même tué d'innombrables insectes. J'ai dû le faire, volontairement, à de nombreuses reprises. Mais il s'agit bien de tuer. Je veux simplement qu'on me permette de le reconnaître.
Je travaille dans un laboratoire sur des fourmis. Nous avons disséqué plus d'une centaine d'ovaires, de glandes à venin, de cerveaux, pour comprendre leur fonctionnement, la différenciation et la façon dont elles la communiquent. Nous reconstruisons des cerveaux pour évaluer les changements dans les différentes structures, nous mesurons le nombre de proto-œufs que chaque individu possède après la dissection et la corrélation avec la dominance, nous lisons des articles et encore des articles sur la théorie.
Ces fourmis aiment particulièrement des nids sombres et humides avec un plafond bas. Pour une expérience, nous avons dû les déplacer dans une "arène", une zone ou elle doivent fourrager et se déplacer dans un endroit facile à prendre en vidéo. Cette arène est large, très illuminée, sèche, très lisse et très peu naturelle. Les fourmis paniquent quand elles sont déplacées, même avec les outils les moins intrusifs que l'on possède au labo. Quand elles sont dans des endroits peu familiers, il m'est arrivé de les voir mourir d'épuisement à courir dans tous les sens, incapables de trouver l'entrée du nid.
Cette fois-ci, nous en avions mis deux, avec des qr codes sur le dos, pour tester leur lisibilité avec nos caméras. Encore et encore, elle suivent les murs, rassurés par la présence de quelque chose qu'elles peuvent toucher. Encore et encore, elle s'arrêtent, se nettoient l'une l'autre, se calment, si elles se rencontrent l'une l'autre, collées ensemble.
Je ne peux pas savoir ce qui se passe dans le cerveau d'une fourmi. Mais il est dur de ne pas faire de projections.
fourmi avec le tag 16 et fourmi avec le tag 12, immobiles, cote à cote.