Les "trans-espèces"
- Ammalie
- 19 mai
- 5 min de lecture
En-dehors des concepts « therian » et « otherkin », il existe quelques individus se considérant comme étant trans-espèce. Ce concept est assez rare, méconnu et malheureusement peu prit au sérieux par la société. L'identité trans-espèce fait partie intégrante de la grande communauté alter-humaine.
Les personnes trans-espèce existent bel et bien. Elles se caractérisent comme subissant une profonde souffrance liée à leur corps humain (et, parfois, de l'environnement humain dans lequel elles vivent), une très puissante dysphorie prenante. Etre dans la mauvaise enveloppe corporelle leur est insupportable.
De ce fait, individus ne supportent plus leur apparence ni le fait d'être considéré comme étant un être humain tout court. Ils renient pleinement cette identité.
Etre trans-espèce est une perception de soi permanente et sincère, aussi légitime que toutes les autres alter-humanités. Par ailleurs, il est possible d'être trans-espèce et thérian à la fois.
Certaines personnes trans-espèces ont décidé de faire des modifications corporelles pour supporter un peu plus leur corps humain. Ce n'est donc pas le cas de tous les individus concernés pour autant. Par ailleurs, ces modifications sont couteuses et beaucoup aimeraient avoir accès à ces opérations mais n'ont pas les moyens.
Certains vont se faire des tatouages afin d'imiter la peau de leur animal (écailles, taches de léopard, rayures de zèbre, fausses branchies dans le cou...). D'autres cherchent à rendre leur corps plus animal en faisant des piercings servant à faire tenir de fausses vibrisses (moustaches de chat).
Ces individus peuvent aussi modifier leurs cheveux et leur couleur, limer leurs dents pour en faire des crocs, mettre des lentilles, couper leur langue en deux comme celle d'un serpent...
Quelques personnes trans-espèces ont été médiatisées, mais cette identité reste encore très peu connue.
Voici quelques exemples d'individus, probablement trans-espècess célébres pour leurs modifications corporelles (et médiatisés dans le but de "choquer"). Attention : je tiens à préciser que certaines des personnes citées ne se revendiquent pas forcément comme étant thérian, otherkin ni trans-espèce. Je tiens simplement à partager des vécus qui se rapprochent de ces identités alter-humaines.
Une femme transgenre (une personne assignée homme à la naissance, mais qui se considère comme étant une femme aujourd’hui) nommée Eva Tiamat Méduse, est une otherkin dragon. Elle s'est découvert porteuse du VIH. Cela a été l’élément déclencheur d’une réalisation chez Eva : elle a refusé de mourir en tant qu'humaine et a modifié son corps humain pour se rapprocher de celui d'un dragon : son kintype. Elle a aplati son nez, s'est fait implanter des cornes, ses yeux teint en vert avec de l'encre, des écailles ont été tatouées sur sa peau et ses oreilles ont été retirées. Elle est la toute première personne se revendiquant à la fois trans-espèce et otherkin.
Stalking Cat n'était pas thérianthrope mais il croyait au Totémisme et disait avoir un « esprit » de tigre. Il a eu recours à de nombreux Bod-Mod (modifications corporelles) pour ressembler à son guide spirituel : il possédait des tatouages à l'apparence de rayures sur le corps ainsi que sur le visage, des piercings supportant des vibrisses, divers implants dans la peau visant à rendre son visage plus proche de celui félin. Son nez était aplati et ses lèvres étaient siliconées pour lui donner une bouche de chat. Du silicone a également été ajouté dans ses joues et son menton, ses oreilles sont devenues pointues et il portait des lentilles à la pupille verticale de chat... Il s'habillait en tigre absolument tous les jours (il mettait des vêtements à rayures) et portait une queue mécanique qui se balançait au gré de ses pas. Il s'est tristement suicidé à l'âge de 54 ans, le 5 novembre 2012.
Kaz James est un homme britannique de 37 ans se ressentant profondément comme étant un chien. Pour être au plus proche de sa véritable espèce, il se déguise en chien en portant une tenue en latex, et porte également un masque à l'effigie de cet animal. Il boit dans une gamelle et joue à la balle comme le chien auquel il s’identifie. En réalité, son cas n'est pas bien rare : Kaz James est adepte du Puppyplay. Il s'agit d'un jeu de rôle consistant à imiter un animal avec, parfois, des notions de BDSM (chien/maître). Ces personnes passionnées se retrouvent dans des conventions particulières afin de libérer l'animal qui est en eux (sans pour autant se revendiquer thérian). Un article est dédié à cette thématique. Contrairement aux Puppies classiques (adeptes du Puppyplay), Kaz se ressent comme étant littéralement un chien dans un corps humain.
Louis Padron est un jeune homme de 25 ans se ressentant comme étant un elfe. Il s'est découvert cette identité après avoir vécu des traumatismes répétés. Il a modifié son corps pour devenir, ou du moins se rapprocher de ce qu'il se ressent être au plus profond de lui-même. Il a rendu les traits de son visage plus fins à l’image typique d’un elfe (liposuccion, rhinoplastie, botox, injection) et a changé la couleur de ses yeux. Il porte de fausses oreilles terminant en pointe et a un style vestimentaire similaire à celui de sa créature.
Un Toko-San a toujours rêvé d'être dans la peau d'un chien. Pour pouvoir être réellement ce qu'il est au plus profond de son cœur, il a commandé un costume très réaliste de Collet (qui n'est pas une fursuit à ses yeux pour autant). Toko affirme : « J'aime les animaux à quatre pattes, particulièrement ceux qui sont mignons. Parmi eux, je me suis dit qu'un animal dont la taille est proche de la mienne était la meilleure solution pour que le rendu final soit réaliste. J'ai donc décidé de devenir un chien ». Il filme son quotidien sur les réseaux sociaux. Après avoir vu quelques vidéos à son sujet, son cas ne semble pas être isolé.
Erik Sprague adore tant les reptiles qu'il a voulut devenir un lézard. Il était déjà passionné par les tatouages et les modifications corporelles et devenir un homme-reptile fut une décision murement réfléchie. Il s'est tatoué des écailles, s'est coupé la langue en deux, s'est fait poser des implants dans ses sourcils, s'est fait limer les dents et encore d'autres. Avec plus de 700h toutes modifications corporelles confondues, Il a pu battre divers records mondiaux. Aujourd'hui, il travaille des les freak show et propose diverses prestations.
Enfin, Neil Harbisson, un homme de 42 ans, s'identifie non comme un animal ou une créature mais plutôt comme un cyborg. Bien que peu commun, toutes identifications non-humaines ou partiellement non-humaines font belles et bien parties de l'alter-humanité. Neil est né avec l'achromatopsie, ce qu'il signifie qu'il ne peut pas voir les couleurs. Passionné par la cybernétique, il décide, alors, de s'implanter une antenne dans la tête qui transforme les couleurs qu'il voit au quotidien en ondes sonores. Ainsi, il est capable d'entendre les couleurs. En 2010, il a créé une association nommée « Fondation Cyborg » pour aider d'autres humains à devenir, comme lui, des cyborgs.
D'un point de vue extérieur, beaucoup d'individus trouvent ces modifications excessives ou dérangeantes, vis-à-vis de la norme et de la société. Pour certains, ces modifications légitimisent la haine contre les personnes concernées : certains s’amusent stupidement à les harceler ou même à les inciter au suicide... Par ailleurs, ce terme est tristement controversé, car pour certains, les trans-espèces s'approprient les combats et souffrances connus par les personnes transgenres (et, soi-disant, les ridiculisent au passage). Ici, c'est le terme « trans » qui dérange. Parfois, les trans-espèces sont désignés de transphobes voulant décrédibiliser les personnes transgenres en inventant de nouveaux concepts. Il est important de souligner que les trans-espèces existent bel et bien et que leur dysphorie n'est pas moins sincère que d'autres.
De nombreuses personnes voient les trans-espèces comme étant déséquilibrées mentalement. D'autres comprennent ce besoin. Quoi qu'il en soit, je doute fortement que ces personnes ont vécu toutes ces modifications dans le seul et unique but de faire un buzz médiatique. Elles veulent juste exister et être heureuses.
De mon côté, je ne peux ni les juger ni les blâmer. Je peux simplement affirmer que, bien que leur identité n'est pas toujours similaire à celle des thérians et otherkins, ils sont parfaitement légitimes dans nos communautés alter-humaines.
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